Que cache la fausse baisse du chômage au Bénin ?

Article : Que cache la fausse baisse  du chômage au Bénin ?
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14 août 2022

Que cache la fausse baisse du chômage au Bénin ?

Toutes les «personnes en âge de travailler» peuvent occuper trois différentes positions. Les inactifs regroupe tous ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas exercer une activité professionnelle légale rémunérée, même à temps partiel. Les actifs à l’opposé rassemblent toutes les personnes souhaitant exercer une activité, professionnelle, légale et rémunérée, à titre indépendant ou comme salarié. Ils se divisent en deux groupes inégaux. Le groupe des actifs occupés qui ont un emploi, quelle que soit la durée du travail effectué sur la semaine ou le mois, et le groupe des chômeurs au sens du BIT, c’est-à-dire des personnes sans aucun emploi, qui en recherchent un et sont disponibles pour l’occuper. Dans cette grille, l’ensemble formé des chômeurs et des actifs occupés constitue la population active. Selon la définition du BIT en date de 1982, un chômeur « est une personne en âge de travailler (donc avoir 15 ans ou plus) et qui répond à 3 conditions :

  • Être sans emploi : Autrement dit ne pas avoir travaillé au moins 1heure durant une semaine de référence
  • Être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours
  • Avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de 3 mois »

 Ainsi pour être considéré comme chômeur au sens du BIT, une personne doit remplir simultanément trois conditions : être sans emploi au cours de la semaine de référence de l’enquête, avoir effectué une démarche active de recherche d’emploi et être disponible pour travailler immédiatement. La logique du BIT est avant tout économique : il s’agit de déterminer les ressources en main-d’œuvre immédiatement disponibles pour contribuer à l’emploi et par là à la richesse.

Le nouveau concept « halo du chômage »

La réalité de la situation des personnes est toutefois plus complexe que ne suggère la séparation nette entre « chômeurs », « actifs occupés » et « inactifs ». Dans les années 1980, la notion de « halo du chômage » est apparue pour décrire des situations de personnes qui semblaient assez proches du chômage sans pour autant être comptabilisées parmi les chômeurs au sens du BIT. Ces personnes ont des situations qui se trouvent à la frontière entre chômage, emploi et inactivité. Dans le « halo du chômage », on trouve notamment les situations de sous-emplois qui concernent les personnes considérées comme actives occupées au sens du BIT mais occupant une activité réduite involontaire. C’est le cas des travailleurs qui subissent un emploi à temps partiels ou encore de ceux qui sont en chômage partiel.

La baisse du taux de chômage au Bénin au sens du BIT est-elle une bonne nouvelle ?

Relayé par le journal Daabaaru,   «…Le chômage au Bénin est en dessous de 3% », selon Wilfried Léandre Houngbédji, secrétaire général adjoint et porte-parole du gouvernement. Quant au taux de chômage dont parle le porte parole ici,  il se base sur une définition du Bureau international du travail (BIT). Par conséquent,  la baisse enregistrée  ne signifie pas pour autant que d’anciens chômeurs ont retrouvé un emploi. Il suffit qu’ils ne recherchent pas (ou plus) de manière active de travail pour ne plus être comptabilisés chômeurs, soit parce qu’ils ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (plus de deux semaines de délai) ou encore parce qu’ils travaillent quelques heures par semaine. Selon les experts, le taux de chômage peut baisser pour deux raisons : la première, vertueuse, résulte d’une sortie du chômage liée à l’amélioration du marché de l’emploi ; la seconde, moins réjouissante, s’explique par le découragement de certains chômeurs qui basculent alors dans l’inactivité. Ainsi, en 2017, en France 1,6 million d’inactifs souhaitaient travailler mais n’étaient pas considérés comme chômeurs car ils ne satisfaisaient pas à tous les critères du BIT ou n’étaient pas inscrits à Pôle emploi ; par exemple, ils n’étaient pas immédiatement disponibles ou préparaient un concours de la fonction publique. Ils appartiennent à ce que l’ Institut national pour la statistique et les études économiques ( Insee ) appelle le «halo» autour du chômage ; celui-ci représentait 3,8% des 15 à 64 ans en 2016, mais plus de la moitié de l’effectif des chômeurs au sens du BIT. Par ailleurs, certains actifs occupés sont également dans des situations à la limite du chômage. C’est le cas notamment des actifs à temps partiel qui souhaitent travailler davantage et qui, sans être chômeurs au sens du BIT, sont en sous-emploi «involontaire» ; c’est le cas également de jeunes actifs occupant un emploi d’attente précaire tout en cherchant un emploi correspondant à leur qualification. Dans ces conditions, une dégradation de l’emploi et l’augmentation de la durée du chômage peuvent inciter certains actifs à se retirer du marché du travail : ils deviennent inactifs et non chômeurs selon le BIT. C’est pourquoi de nombreuses personnes sont sans emploi, mais ne sont pas comptabilisées en tant que chômeurs ou demandeurs d’emploi. 

Taux de chômage et taux d’emploi portent des représentations opposées du chômeur

Le taux de chômage  est le rapport entre le nombre de chômeurs et la population active ( en emploi + au chômage ). Le taux d’emploi de la population totale est calculé en divisant le nombre de personnes âgées de 15 à 64 ans ayant un emploi par la population totale de la même tranche d’âge. Une «personne en emploi au sens du BIT» est une personne âgée de 15 ans ou plus ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours de la semaine de référence ou ayant gardé un lien formel avec son emploi (congés annuels, maladie, maternité, etc.). Taux de chômage et taux d’emploi portent des représentations opposées du chômeur, puisque le taux d’emploi les rattache aux inactifs, tandis que le taux de chômage les considère comme des «actifs  à la recherche d’un emploi». En outre, taux d’emploi et taux de chômage ne sont pas obligatoirement corrélés puisque les ratios observés diffèrent, tant au numérateur qu’au dénominateur.

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